Une proposition de Luc Vialle

Annexe du State of Cinema 2021

Nicole Brenez : « Décaméron électronique, La Loupe constitua l’une des plus généreuses, prodigues, désintéressées, efficaces des expériences collectives de cinéphilie, conduite au cours du premier enfermement pandémique généralisé. Pendant 17 mois (mars 2020-12 juillet 2021), La Loupe permit à des milliers de personnes de par le monde (jusqu’à 16 000) d’échanger fichiers de films non commercialisés, textes, idées, informations et suggestions dans un esprit de découverte effervescent. »

A l’occasion de son State of Cinema, Nicole Brenez ajoute en annexe cette proposition de Luc Vialle :

 

Postée sur La Loupe le 15 avril 2021

Bonsoir les loupistes, 

Je vous propose en guise d’anniversaire de La loupe bien en retard un post sur le sexe, les sexualités et genres au cinéma ainsi que la représentation des hommes, des femmes et des Queers.

Ce post n’aurait jamais vu le jour sans les conseils de l’ami Frank Beauvais et sans celles des amis Tristan Brossat, Sayeed Tasabbir Mahmud, Basile Trouillet et Vishnu Bachani qui m’ont retrouvé une vingtaine de films.

 

I. L’ŒUVRES PIONNIERES

 

Athlete Swinging a Pick (1881), Woman Walking Downstairs & Woman Throwing Baseball (1887) de Eadweard Muybridge & Sandow (1894) de William Kennedy Laurie Dickson : 

Muybridge et Laurie Dickson sont les grands pionniers en terme de cinéma bien entendu mais ce qui les rapprochent est la représentation des corps sportifs. Les trois courts-métrages de Muybridge représentent le corps nu en mouvement. De tous les films de sportifs et sportives ou de personnes ayant une activité de Laurie Dickson parmi lesquels on trouve Newark Athlete & Men Boxing (1891), Blacksmith Scene (1893), Carmencita, Annie Oakley & Corbett and Courtney Before the Kinetograph (1894), j’ai choisi celui où le corps masculin dans sa musculature est le plus mis en avant. 

 

The Kiss (1896) de William Heise : 

9 ans après Les photographies The Kiss de Muybridge, l’une des premières (et la plus connue) représentations cinématographiques d’un baiser. 

 

Après le bal (1897) de Georges Méliès :

Après le bal, une jeune bourgeoise va, aidée de sa domestique de déshabiller pour le bain. 

Méliès pionnier français de tous les genres cinématographiques (fantastique, comédie, épouvante, aventure) l’est donc aussi en matière d’érotisme avec cette scène intime du quotidien. 

 

La danse serpentine (1899) des frères Lumière :

La magnifique danse sensuelle et envoûtante de Loie Füller filmée par les Frères Lumière. 

 

Madame a des envies (1906 ou 1907) d'Alice Guy & Female Sensibility (1973) de Lynda Benglis & The Elegant Spanking (1995) de Maria Beatty : 

Le female gaze (expression de la cinéaste Laura Mulvey) en trois temps.

Le premier film de l’immense Alice Guy dans lequel une femme enceinte a diverses envies : la sucette d’une petite fille, le hareng d’un mendiant, la pipe du colporteur, des choux. C’est bien-sûr un film transgressif, subversif, espiègle mais aussi érotique. Iris Brey en parle ainsi : « Madame a des envies est dingue pour l’époque. Elle [Alice Guy] filme une femme enceinte qui a des envies phalliques et qui passe son temps à insérer dans la bouche des objets suggestifs. Alice Guy utilise le gros plan pour nous faire ressentir le désir. Elle transforme la mise en scène pour nous faire vivre une expérience féminine et représenter le tabou ultime. » ; Female Sensibility et The Elegant Spanking sont des hymnes à l’amour lesbien à des époques différentes : Female Sensibility est une vidéo d’avant-garde mettant en scène un baiser sensuel et The Elegant Spanking est un court érotique sado-maso lesbien. Au milieu des années 1990, on est aux débuts du post-porn, cette époque où les cinémas érotique et pornographique s’interrogent sur la représentation des femmes et repensent les formes pour faire de celles-ci des sujets plutôt que des objets. Maria Beatty est le grand nom de d’artiste pornographique avec Annie Sprinkle. 

 

Baden verboten, Der Sandbad, Der Angler, Eine moderne Ehe & Jugendspiele (1907) de Johann Schwarzer : 

Quelques curiosités qui sont aussi les premières images érotiques du cinéma autrichien présentant des scènes intérieures ou plus souvent des scènes extérieures, des baignades. 

 

Salomé (1910) de Ugo Faléna & Thaïs (1916 ou 1917) de Anton Giulio Bragaglia et Riccardo Cassano :

Deux films pionniers dans la représentation des femmes fatales. 

Le premier est l’une des premières représentations cinématographiques de Salomé, femme fatale qui en échange d’une danse sensuelle devant Hérode Antipas obtient la tête de Jean le Baptiste ; Thaïs est une figure de séductrice qui manipule et fait tomber les hommes et qui un jour séduira le fiancé d’une amie. Cela finira en tragédie. 

 

Le Montreur d'ombres (1923) de Arthur Robison :

Une femme mariée convoitée par plusieurs hommes lors d’une réception. Tout un lexique de la séduction et du désir et jalousie du mari. 

 

Eveready Harton in Buried Treasure (1929) de E. Hardon :

Voici un des pionniers de l’animation pornographique à l’humour grivois et obscène. 

 

Sleep (1964) d’Andy Warhol :

Chef-d’œuvre absolu non seulement pour la radicalité de la proposition à savoir les les 5h20 d’un homme qui dort comme idée de film (d’ailleurs en avant-gardiste qu’il était, Warhol faisait aussi ce film contre le cinéma : pour lui, c’était un anti-film) mais aussi pour l’érotisme évident du long-métrage : notons que le dormeur était l’amant de l’époque d’Andy Warhol, le poète John Giorno. 

 

N4 Bottoms (1966) de Yoko Ono :

Pionnier, avant-gardiste et radical, le chef-d’œuvre de Yoko Ono qui consiste à nous montrer plusieurs fesses, a également une dimension politique et y livre un message de paix. 

 

Behind Every Good Man... (1966) de Nikolai Ursin :

Avant les chefs-d’œuvre de Frank Simon (The Queen en 1968) et de Lucrecia Martel (La otra en 1989), un portrait documentaire intime d’une drag queen aux États-Unis. Le film est derrière la façade solaire, rayonnante qui vient de la personne filmée d’une immense mélancolie, la solitude et la marginalité (Queer et Noir.e) est mise en avant, bercée du sublime I’ll Turn to Stone des The Supremes. 

 

Boys in the Sand (1971) de Wakefield Poole :

Le chef-d’œuvre solaire et éthéré de Wakefield Poole immense cinéaste formaliste (aujourd’hui il ne serait pas impossible de faire dialoguer de travail avec celui du peintre Hockney) considéré comme le premier grand film pornographique gay. Le film est effectivement avant-gardiste sur plusieurs points et il y a peut-être aussi l’une des premières représentations de la sexualité interraciale. Il y a d’autres noms avant Billy Boy (1970) de Bob Mizer par exemple. Le film sort la même année que Confessions of a male groupie de Tom DeSimone et suivront ensuite une série de chefs-d’œuvre dans ce qu’on pourrait appeler L’âge d’or du cinéma porno gay signés Jack Deveau, Fred Halsted et Arthur J. Bressan Jr. 

Il s’agit de la version très difficile à trouver non doublée par le réalisateur. 

 

The Continuing Story of Carol and Fred (1970-1975) de Arthur Ginsberg :

Un couple laisse une caméra filmer leur intimité. Ils se livrent à des confidences sur leur vie, se montrent sans fard, on filme même leurs rapports sexuels... objet inédit, l’avant-garde de la télé-réalité. 

 

Los placeres ocultos (1977) d’Eloy de la Iglesia :

Déjà partagé sur la loupe par Anne Delabre, ce film qui est le meilleur de son auteur avec le drame politique El diputado (1979), est l’un des premiers à traiter ouvertement d’homosexualité dans une Espagne qui se remet tout juste de la mort de Franco. C’est l’un des films fondateurs du cinéma quinqui qui met en avant une jeunesse à la dérive, marginale et délinquante et dont Eloy de la Iglesia est considéré comme le maître. Dans celui-ci, un homosexuel qui enchaîne les relations d’un soir avec de jeunes gays et des prostitués, s’éprend d’un jeune homme qu’il croise dans la rue. Il va se rapprocher de celui-ci et de la fiancée de ce dernier. 

 

Mystère Alexina (1985) de René Féret :

L’une des premières et trop rares représentation de l’intersexualité dans le cinéma français. Inspiré du récit de Herculine Barbin personne intersexe du XIXe siècle, le film de René Féret est un film dramatique et désespéré sur un amour impossible. 

 

Voguing: The Message (1989) de David Bronstein, Dorothy Low, Jack Walworth: 

Le premier film sur le voguing cette danse d’abord pratiquée au sein des communautés LGBTQIA+ latino et afro-américaines. C’est un film solaire avec une vraie parole qui se livre et un mouvement à la fois artistique et politique.

 

II. SEXUALITES SUBVERSIVES : SCANDALES ET TABOUS

 

1. Impureté et subversion

 

Amphetamine (1966) de Warren Sonbert 

Chef-d’œuvre d’avant-garde par l’un des grands noms de l’expérimental Queer. Des jeunes gays s’étreignent, dansent et s’embrassent et s’injectent également des amphétamines et de l’héroïne. Ce grand film est ponctué de trois sublimes morceaux des Supremes : Where Did Our Love Go? (aussi titre d’un autre merveilleux film de Sonbert) , Baby Love et I Hear a Symphony

 

Les caméléons (1967) & La tête froide (1970) de Patrick Hella : 

Deux œuvres d’avant-garde d’une étrangeté qui se traduit sur des œuvres qu’ils soient momifiés ou enduits de peinture (Les caméléons) ou mutilés (La tête froide). Les deux films abordent une sexualité sous le signe de la violence et de la subversion. 

Les caméléons, c’est tout un programme : est montrée une nudité masculine sous les yeux de deux enfants qui jouent, les étreintes de ce corps masculin inerte et immobilisé avec une femme qui passe des larmes au rire diabolique ; dans La tête froide une tête masculine coupée lors d’un accident devient un formidable déclencheur d’une sexualité en quête de violence, de sang et d’orgasme. 

 

Bacchanale (1970) de John Amero et Lem Amero : 

Un sulfureux film érotique d’avant-garde qui semble être une évocation de l’Enfer de Dante. Au programme : sexualité aussi bien hétéro que Queer, soumission sexuelle... le tout dans un film à l’esthétique complètement hallucinée. 

 

Dirty (1971) de Stephen Dwoskin :

Les jeux nocturnes, coquins de deux jeunes femmes nues. Elles ont une bouteille d’alcool (qui a une dimension phallique).

Ne fait pas partie des Dwoskin des DVD Re;voir (Dyn Amo, Central Bazaar et Age Is). Les DVD Potemkine sont épuisés et il ne reste qu’un DVD suisse à un prix exorbitant. 

 

Lunch (1972) & Sparkle's Tavern (1985) de Curt McDowell :

Deux films sulfureux du pape du mauvais goût dans le cinéma expérimental étasunien. 

Lunch est un ovni halluciné, un film sous le signe du fantasme et de l’étrangeté : sexualités hétéro et lesbienne, de mystérieuses lettres et des messages codés sont au programme de ce chef-d’œuvre. 

Sparkle’s Tavern est un film Camp drôle et réjouissant. Au menu : une auberge décadente, un frère et une sœur à la sexualité débridée, une mère conservatrice, un homme aux pouvoirs étranges, des rivalités masculines, un coming out homosexuel et un mariage.

 

Bible! (1974) de Wakefield Poole : 

Du sublime au kitsch de mauvais goût, le subversif et superbe Bible! de l’auteur de Boys In the Sand et de Bijou dans lequel sont montrés et revisités certains récits bibliques mythiques sexuellement bien entendu. 

 

Sex O'Clock (1976) de François Reichenbach :

Une réflexion sur le sexe et l’industrie du sexe aux États-Unis : on y voit des tournages de films pornographiques, des salons avec des dominatrices de sado-maso. Le film semble également avoir conscience des limites de cette liberté sexuelle puisqu’il donne aussi la parole à des délinquants sexuels qui ont été arrêtés pour viols ou agressions sexuelles. 

 

Through the looking glass (1976) de Jonas Middleton :

Ce terrible et vénéneux porno bisexuel expérimental est à la fois un drame psychologique de grande maison qui irait de Hitchcock (Rebecca) à Chabrol (Merci pour le chocolat), une satire kitsch grossière, grivoise et de mauvais goût qui irait de Fellini à Waters en passant par McDowell et une vision d’enfer, variation autour de Carroll qui atteint des sommets en terme de violence et d’horreur. Glauque, cauchemardesque et effrayant. 

 

Body Love (1977 ou 1978) de Lasse Braun :

Très sulfureux, ce film pornographique devenu culte par la bande originale de Klaus Schulze, met en scène une jeune fille (Catherine Ringer) bisexuelle qui entretient des rapports saphiques avec la domestique qui est aussi son esclave sexuelle. Pendant ce temps ses parents lui organisent une fête d’anniversaire pour ses dix-huit ans qui s’avèrera être une immense orgie. 

 

Ostia (1988) de Julian Cole :

Outre les rapports de force filmés dans ce film halluciné et étrange qui est une évocation avant le Ferrara des dernières heures de Pasolini, avec la question du dominant/dominé, et outre la violence finale de l’assassinat, Ostia se caractérise pour son atmosphère subversive et interlope. 

 

To You, From Me (1994) de Jang Sun-Woo :

Le subversif cinéaste sud-coréen Jang Sun-Woo (Passage to Buddha et Timeless Bottomless Bad Movie) est l’auteur de cet objet étrange avec une dimension avant-gardiste dans sa façon de mêler les genres (comédie et drame, prises de vue réelles et animation). Dans celui-ci, véritable film choral on y suit un jeune homme qui voudrait être auteur, la femme avec qui il couche, un banquier désœuvré et devenu sexuellement impuissant. 

Dans ce film on retrouve tout un fond subversif : pornographique, tromperie, corruption. 

 

Shanghai Panic (2001) de Andrew Y-S Cheng :

Emblématique du nouveau cinéma chinois, ce film d’avant-garde dresse le portrait de jeunes amies de trente ans, de leur relation à la sexualité, l’un d’eux panique à cause du Sida etc... 

 

Pale Blue Eyes (2002) de Aryan Kaganof :

Ce court-métrage expérimental du cinéaste sud-africain frappé par ses dimensions profane et violente, repose sur une transgression des genres : fellation sur la Sainte Vierge et autocastration. 

 

Mamilos em chamas (2008) de Gurcius Gewder :

Irrévérencieux, de très mauvais goût et vulgaire, ce film d’avant-garde brésilien met en scène des peluches se livrer à une sexualité débridée à base de partouzes, d’orgies et de simulations de viol. 

 

2. Sexualités, genres et rapports de domination, de violences

 

Chez la sorcière (1901) de Georges Méliès & La fée des roches noires (1907) de Segundo de Chomon : 

Deux films pionniers et jumeaux dans ces relations de pouvoir hommes/femmes non seulement parce qu’ils sont tous les deux liés au fantastique mais aussi parce qu’ils mettent en avant la bêtise et le manque d’élégance et la superficialité des hommes et enfin parce qu’il y a des jeux des apparences et des métamorphoses. 

Dans le premier, là sorcière fait choisir des jeunes femmes ravissantes à un homme qui la visite. Elle lui joue en réalité une mauvaise farce ; dans le second la fée domine très clairement l’homme qui a été si peu aimable avec elle quand elle était sous l’apparence de la vieille femme. 

 

L'Étrange obsession (1959) de Kon Ichikawa : 

Le chef-d’oeuvre magnifiquement vénéneux (cet adjectif n’est pas utilisé au hasard puisqu’il y a une histoire de poison dans le film) d’Ichikawa mettant en scène des trios amoureux/sexuels : au départ un vieil homme, sa femme et le médecin. Le vieillard retrouve sa libido quand il pense à sa femme et au médecin ensemble. Un jeu, un rite sexuel commence à base d’invitations régulières du docteur à dîner, de bains brûlants dans lesquels elle perd connaissance, de médecin soignant la jeune femme... cette situation perverse finit par ne plus qu’être un jeu et la femme devient la maîtresse du médecin alors même que ce dernier fréquente la fille du couple. 

Un film totalement amoral et implacable. 

 

Noite vazia [Les jeux de la nuit] (1964) de Walter Hugo Khoury : 

Un film brésilien dans lequel deux hommes invitent deux prostituées à passer la soirée avec eux. 

Il y a des rapports de force dans le film : cette séquence où l’un des protagonistes masculins oblige les deux femmes à s’embrasser et à jouer sexuellement pour l’exciter. Si l’ami de celui-ci passera une belle nuit avec la belle brune, entre cet homme machiste qui voit les femmes comme des objets et la prostituée blonde il y aura des engueulades, une résistance de la part de cette dernière. À noter qu’une certaine mélancolie et une évidente tristesse ressortent de ce film très précis et très détaillé sur les incompréhensions possibles dans les rapports hommes et femmes. 

 

Hermitage (1968) de Carmelo Bene :

L’amour comme conduisant à une forme de folie. Ce chef-d’œuvre crépusculaire et en huis-clos du grand avant-gardiste italien donne à voir un corps en décrépitude torse nu. Le film halluciné repose sur des visions mentales et bribes du passé. Évocation au récit et aux protagonistes Bibliques : Jacob, Rachel et Bilha... 

 

Hika, Secret Flower (1971) de Kôji Wakamatsu : 

Un drame signé par le subversif Wakamatsu qui donne à voir un couple qui aime à tester ses limites, à parler de mort (le garçon demande à sa partenaire si elle veut mourir avec lui) et vit une sexualité sous le signe des rapports de domination. Un jour, les deux rencontrent une femme qui a perdu son amour. Une étrange relation va se lier entre eux, l’inconnue tentant de les protéger d’une barque qu’elle pense maudite. 

 

Salome (1971) de Werner Schroeter (Vasco Pimentel) & Antigone : Rites of Passion (1990) de Amy Greenfield :

Deux formidables longs-métrages d’avant-garde qui ont recours à l’esthétique du spectacle, des arts de la scènes au service de classiques, de mythes et de récits reposant sur des rapports de pouvoir. 

Dans l’inouï et Queer Salomé, la mise en scène repose sur une unité de lieu. Le politique et les rapports de pouvoir sont traduits par le décor même. La sensualité de Salomé lui permet d’obtenir ce qu’elle veut du politique ; le film d’Amy Greenfield véritable ovni et folle évocation hallucinée, désespérée de la tragédie de Sophocles. La cinéaste qui est une pionnière de la vidéo expérimentale, à qui l’on doit plusieurs chefs-d’œuvre qui s’inscrivent dans ce qu’on appelle le genre du ciné-danse, comme dans Transport (1970) capte la grâce des corps dont elle est au plus proche : corps gracieux, corps tués et mutilés, suicidés, corps sacrifiés... tous les éléments de la grande tragédie : les deux frères qui s’entretient, la tentative de révolte contre la loi politique etc... sont repris et réinventés avec maestria. 

NB : ce film ne figure pas dans le coffret des films d’Amy Greenfield édité par Re;voir

 

The Last Bath (1975) de Karl Krogstad :

Un film pornographique expérimental totalement fou et violent où un homme est d’abord agressé par des femmes qui se jettent sexuellement sur lui. Il lie une relation avec deux hommes qui n’auront de cesse de le dominer. Vénéneux, halluciné et cruel. 

 

The Kitchen (1975) de Alile Sharon Larkin :

La condition de la femme comparée à l’internement psychiatrique. Un court halluciné et féministe sur l’aliénation des femmes noires qui doivent cacher leurs cheveux crépus derrière une perruque, réalisé par l’un des grands noms du cinéma noir-américain, l’immense réalisatrice des superbes Your Children Come Back to You (1979) et A Different Image (1982). 

 

Juego de amor prohibido (1975) d'Eloy de la Iglesia 

Quand on pense sexes et rapports de force dans le cinéma espagnol, on pense à ces deux chefs-d’œuvre absolus que sont Matador (1986) de Pedro Almodóvar ou Tesís (1996) d’Alejandro Amenábar. Avant ces deux films, venait le film d’Eloy de la Iglesia qui présente deux jeunes, tous les deux amoureux (le garçon est joué par le protagoniste du merveilleux Deep End) en quête d’émancipation parentale, qui veulent partir pour quelques jours pour découvrir la sexualité et qui sont pris en otage par leur professeur de classe qui détient déjà un bisexuel qui lui sert de jouet sexuel et va les inciter à vivre des relations perverses. Les jeunes et notamment la jeune fille (Inma de Santis) vont tenter d’inverser ce rapport de forces et de retourner la situation. 

 

Jusqu’à ce que la mort vous sépare (1979) de Heiner Carow & Parfait amour! (1996) de Catherine Breillat : 

Deux films sur la violence dans le couple. 

Dans le premier un jeune couple allemand se marie et les problèmes commencent peu à peu à émerger aussitôt que la jeune femme souhaite retravailler. Lui devient très violent et alcoolique. ; Parfait amour! met en scène une femme mère de deux enfants s’éprend d’un homme plus jeune un peu rebelle, un peu paumé et se lance dans une relation torride mais où va apparaître des tensions. 

[ Spoilers ] 

Catherine Breillat conçoit les relations hommes/femmes et les relations de couple comme une guerre et l’idée de guerre des sexes/genres est présente dans les deux films. Dans le film allemand, la jeune femme n’est pas que celle qui prend les coups, elle en donne un aussi et laisse son mari s’empoisonner à la mort aux rats; dans le Breillat, la femme amoureuse commence peu à peu par humilier son mec sur une prétendue homosexualité , sur sa mauvaise endurance sexuelle. La violence masculine va exploser. 

NB : apparition dans Parfait amour! de Coralie Trinh Thi que Breillat soutiendra quatre ans plus tard quand Despentes et elle feront face à la censure pour leur chef-d’œuvre Baise-moi

 

Wanted (1980) de Steve Scott :

Une curiosité : cette comédie pornographique gay revisite les rapports de domination policiers/détenus.

 

Habeas Corpus (1986) de Jorge Luis Acha : 

Chef-d’œuvres expérimental alternant l’étrange captivité d’un homme détenu par un autre homme et des séquences (fantasmées) homoérotiques sur une plage déserte. 

 

Noir et blanc (1986) de Claire Devers : 

La relation sadomasochiste et homoérotique entre un homme qui sombre dans un rapport de dépendance aux séances de plus en plus violentes avec un masseur. 

 

BlickLust (1992) de Dietmar Brehm :

Film d’avant-garde reposant sur un principe de found footage mêle images de pornos SM à des images évoquant le champ médical et chirurgical. Résultat, cela donne un film totalement glaçant et effrayant sur les liens entre violence et sexualité.

 

Nymphomania (1994) de Tessa Hughes Freeland & Holly Adams :

Les deux cinéastes avec ce court effrayant revisitent l’Antiquité et les dimensions parfois poétique, bucolique et jolie que l’on donne au mythe de Pan et la nymphe et en font une séquence de viol crue d’une violence inouïe de la nymphe par Pan qu’il faut voir comme une critique politique féministe, du pouvoir et de la violence des hommes exercés contre les femmes depuis la nuit des temps. 

 

Le Journal du séducteur (1996) de Danièle Dubroux :

L’un des chefs-d’œuvre de l’immense Danièle Dubroux, réalisatrice du si merveilleux et si subversif Border Line nous montre une succession de rapports de force dans les sentiments et les relations amoureux.s et sexuel.le.s : le protagoniste, Grégoire (Melvil Poupaud) incarne une figure de domination et d’emprise sur ses maîtresses (successivement interprétées par Karin Viard puis par Chiara Mastroianni) ; la grand-mère de Grégoire elle-même s’est refusée à beaucoup d’hommes, résiste à des hommes qui rêvent de la séduire, de l’épouser... c’est un film étrange, vénéneux, choral sur les tourments amoureux, sur le sexe associé à une forme de tendre subversion (qui serait la figure de Sébastien – Mathieu Amalric : séducteur de la fille puis de la mère ainsi que figure Queer). 

 

Hommes à louer (2008) de Rodrigue Jean :

La sexualité triste et douloureuse. Des jeunes garçons pour la plupart hétérosexuels se prostituent dans le Village gai de Montréal pour se payer leur drogue. Ils se livrent face caméra sur leur vie d’addicts difficile, sur les pratiques sexuelles qu’ils acceptent et refusent. Certains ont une vision des rapports à cette sexualité tarifée opposée à leur attirance sexuelle moins difficiles que d’autres. 

 

Bas-Fonds (2010) d’Isild Le Besco :

Trois jeunes filles révoltées vivent recluses dans une maison en marge du monde. Deux sont sœurs et la troisième est une belle blonde rencontrée en boîte. Les deux premières sont très dures avec celle-ci. Et le film repose sur des rapports de violence et de domination, un lesboérotisme est aussi présent. Un jour alors qu’elles se rendent à une pâtisserie-boulangerie, l’irréparable est commis. À la fois éprouvant, mélancolique et désespéré. 

 

Donoma (2010) de Djinn Carrenard :

Véritable ovni, tant par sa production que par sa forme, ce film choral est souvent présenté comme un doux film romantique et l’aspect cruel du film n’apparaît que rarement, ce qu’il est pourtant : une jeune professeur qui n’en peut plus de l’attitude du cancre de la classe n’hésite pas à le masturber de force puis à l’humilier régulièrement. Ce dernier a une relation compliquée avec sa copine agnostique et asexuelle, qui elle-même entretient des rapports à la fois tendre et violent avec sa sœur aînée qui souffre d’une tumeur etc...

 

3.  Sexualités scandaleuses, interdites et prohibées

 

Vase de noces (1974) de Thierry Zéno, Pets (2012) d'Albertina Carri & MY BBY 8L3W (2014) de Neozoon :

Sexualité et animal. 

Vase de noces est un film d’avant-garde d’une immense tristesse malgré la grande part d’obscénités de cet objet narrant les relations sexuelles qu’un homme solitaire entretient avec sa truie ; Pets chef-d’œuvre d’Albertina Carri immense cinéaste expérimentale féministe argentine donne à voir dans cet essai post-pornographique reposant sur le principe du found footage et qui questionne les représentations visuelles de la sexualité féminine, des images de cunnilingus et de sodomie avec in chien ; le court-métrage expérimental de Neozoon construit sur un found footage de webcams présente les relations de femmes américaines à leur animal de compagnie. Parfois il y a une dimension quasiment sexuelle dans la représentation (le montage joue évidemment) : chiens léchant les seins etc...

 

Enter the Clowns (2001) de Cui Zi'En, Alpine Fire (1985) de Fredi M. Murer & Enclosed Pain (2000) de Isao Yukisada :

L’inceste au cinéma à travers trois films. Dans Enter the clowns, une personne mourante demande à boire le sperme de son fils. C’est par ailleurs un film donnant une visibilité à des personnages transgenres. C’est un film de ruptures, de transitions, de deuils, de nouveaux départs, triste et doux à la fois ; Alpine Fire incontestablement le plus beau des trois films, réalisé par un des grands noms du cinéma suisse est un film d’une grande cruauté et d’une triste douceur, entre un jeune garçon sourd très proche de sa sœur et traité durement par son père qu’il voudrait pourtant rendre fier. C’est un film sur l’altérité avec ce personnage en marge de sa propre famille, un film d’émancipation parentale et une très belle romance sexuelle et interdite ; Enclosed Pain partage avec le film de Fredi M Murer outre les rapports frère/sœur, la question de l’innocence perdue et la jeunesse bafouée (pas pour les mêmes raisons). C’est un film de mise en abîme, très trouble et ambigu sur les rapports entre imaginaire fictif et réalité (le film étant sur l’écriture d’un roman), une histoire de fantômes aussi... ceci dit avec une partition musicale un peu trop systématique et insistante. Néanmoins le film reste une curiosité cruelle avec un certain sens du mystère et de l’étrangeté.

 

III. FILMER LES GENRES ET LES SEXUALITES AU CINEMA = UN ACTE POLITIQUE 

 

1. Des films politiques 

 

Orfeo en el campo de batalla (1969) de Antonio Maenza Blasco :

Chef-d’œuvre du cinéma d’avant-garde espagnol qui donne à voir une société de consommation capitaliste. À cela le cinéaste une jeunesse révolutionnaire et sexuelle à travers trois protagonistes qui s’adonnent au triolisme et à la dénonciation de l’État fasciste et policier. 

 

Imagens do Silêncio (1973) de Luiz Rosemberg Filho :

Dans ce magnifique chef-d’œuvres avant-gardiste brésilien, le corps et son érotisation où sont peints des slogans politiques sont au service d’un discours révolutionnaire dans un contexte de dictature. 

 

Bögjävlar (1977) de Olle Holm :

Essai documentaire suédois sur la libération d’une parole homosexuelle dans un contexte très homophobe. À certains aspects proches du film de Rosa von Praunheim It Is Not the Homosexual Who Is Perverse, But the Society in Which He Lives dans sa méthode à savoir trouver une forme ironique, tendre et solaire contre la violence sociale bien qu’esthétiquement les deux films diffèrent un peu (ceci-dit il y a des similitudes lors des deux fins). 

 

Art is Reactionary (1987) de Carolee Schneemann :

Performance où l’immense Carolee Schneemann à qui l’on doit le chef-d’œuvre d’avant-garde pornographique Fuses, et une militante Afro-américaine déclament un texte féministe le tout accompagné d’images de corps féminins au sein d’une société machiste. 

 

A Place of Rage (1991) de Pratibha Parmar :

Film politique où intervient notamment Angela Davis qui fait les liens entre les nécessaires luttes contre la Queerphobie et les luttes antiracistes. 

 

Les Ciseaux (2003) de Mounir Fatmi :

Amour et politique (présence du texte de Musset, symbole de l’école républicaine ici et véritable discours amoureux).

Les séquences de sexe entre un homme et une femme que l’ont voit dans le film sont des séquences coupées par des intégristes marocains. Selon Nicole Brenez (❤️), c’est donc un film contre et paradoxalement « avec les intégristes et les censeurs, puisque ce sont eux qui ont décidé des coupures ». 

 

Limpieza Social (2006) de Regina José Galindo :

Une performance corporelle de l’artiste guatémaltèque dans laquelle elle reçoit deux minutes durant une violente projection d’eau sortie d’un jet sur le corps nu pour dénoncer les violences et les répressions policières. 

 

This Area is Under Quarantine (2009) de Thunska Pansittivorakul & Homogenous Empty Time (2017) de Thunska Pansittivorakul et Harit Srikhao :

Deux très beaux films politiques du grand cinéaste expérimental thaïlandais. 

Le premier est un objet très intéressant segmenté en deux parties : deux garçons se livrent face caméra sur leur homosexualité : c’est l’occasion d’aborder ce tabou au sein des familles musulmanes thaïlandaises, d’aborder la répression des Queer dans des pays avec la religion d’État comme en Iran avec ces images qui ont ému le monde avec deux jeunes amants pendus. Ils racontent leur expériences sexuelles personnelles, expriment ce qu’ils pensent de Thaksin Shinawatra, l’ancien Premier Ministre. En seconde partie, le spectateur assiste à une forme de performance où sont reproduites des séquences sexuelles et amoureuses abordées par les deux protagonistes en première partie.

La subversion politique est double : non seulement pour la critique de Thunska Shinawatra mais également pour la libération d’une parole sur des sujets tabous et la mise en images d’une homosexualité marginalisée ; le second film traite du nationalisme et du religieux thaïlandais et repose également sur une construction binaire : il est question en premier temps d’un groupe de jeunes garçons qui se livrent sur leur vie : certains ont arrêté l’école, ont vécu dans la rue....un d’entre eux aborde les discussions avec une proche (cousine ou demi-sœur) sur la sexualité etc...en second temps, des jeunes parlent d’armée, de patriotisme et de leur aspirations personnelles. Si la lecture politique est claire, ce qui peut nous intéresser concernant la sexualité vient de la mise en scène notamment dans la première partie qui donne à voir un homo-érotisme certainement volontaire et subversif dans un film sur le nationalisme. On notera que huit ans séparent les deux films et depuis 2015, une loi sur l’égalité des sexes donnent plus de droits aux homosexuel.le.s de Thaïlande. 

 

The Street in Red (2010) de Clare Havell & Attarzadeh & The Honey Bringer (2012) de Clare Havell & Vincent Lee :

Deux films militants sur les travailleuses du sexe. Le premier est un cri d’alarme, un pamphlet et un bouleversant hommage aux travailleuses du sexe assassinées ; le deuxième est un remarquable film qui met en lumière les luttes politiques des travailleuses du sexe dans le monde. On y voit des femmes latino dénonçant la Mafia, des prostitué.e.s indien.ne.s de Kolkata parler de l’importance des interventions sur l’IVG ... le film donne à voir des danses, des spectacles qui se font dans le cadre de festivals des libertés et des droits des travailleurs et travailleuses de sexe. 

 

Café du genre (2013) de Jocelyne Saab :

L’immense cinéaste politique Jocelyne Saab est allée à la rencontre d’artistes dans le monde arabe qui sont soit Queer ou féministes, qui ont connu des formes de censures politiques et qui tentent malgré tout de délivrer un discours politique positif, subversif et révolutionnaire et elle leur a consacré ces très jolis portraits. 

 

Revivification : art, activisme et politique en Ukraine (2018) de Juliet Jacques : 

Le film donne à entendre la parole et donne à voir le combat d’artistes féministes et Queer qui luttent dans un contexte de montée de l’extrême-droite. 

 

2. Cinéma de femmes, films féministes

 

Near the Big Chakra & Riverbody (1971) de Anne Severson

Plusieurs vagins défilent pendant une dizaine de minutes. Apparemment, il y aurait des vagins de femmes noires américaines, d’hétérosexuelles, de lesbiennes... le film cherche à briser le tabou et à mettre fin à l’invisibilité du corps féminin ce qui en fait un film fondateur (avec les Coni Beeson et Barbara Hammer) du body positivisme et qui annoncera les révolutions visuelles féministes des années 90 ; Riverbody est une succession de corps nus masculins et féminins. 

 

Joyce at 34 (1972) de Joyce Chopra & Claudia Weill :

Un (auto)portrait intimiste réalisé à deux dans lequel Joyce jeune maman juive américaine revient sur la grossesse et aborde la maternité. On y rencontre sa famille, sa mère notamment, ses proches. 

 

Film About a Woman Who (1974), Privilege (1990) & Murder & Murder (1995) de Yvonne Rainer :

Trois essais d’avant-garde essentiels d’Yvonne Rainer. Il faudrait davantage la considérer comme une grande cinéaste d’analyse théorique et politique. 

Dans Film About a Woman Who elle interroge les rapports de violence dans le couple ainsi que la question du de la frustration féminine dans un style entre fictions et performance ; Privilege est une analyse et une critique sexisme et le racisme ainsi que le traitement du rare sujet de la ménopause ; enfin, Murder & Murder mon chouchou 

 

Idées Fixes – Dies Irae (Variations sur le même sujet) (1977) & Topos (1985) d'Antoinetta Angelidi :

Le cinéma de la réalisatrice d’avant-garde grecque met en parallèle les arts de la scène (son travail est très théâtral) et le féminin et la représentation des femmes dans les manifestations artistiques. Ce sont des œuvres difficiles, radicales, parfois violentes (une ou deux séquences dans Idées fixes) mais aussi rares et précieuses. 

 

Fever Dreams (1979), Artificial Paradise & Fake Fruit Factory (1986) de Chick Strand :

Le plus connu Soft Fiction (1979) ayant été précédemment partagé, je vous propose ces trois chefs-d’œuvre de l’immense réalisatrice d’avant-garde.

Fever Dream et Artificial Paradise ont pour point commun majeur d’érotiser superbement les peaux mouillées. Comme Artificial Paradise, Fake Fruit Factory a été tourné au Mexique. Si les deux premiers sont des rêves d’amour, le dernier est un documentaire qui donne la parole à des employées qui s’expriment sur leur rapport aux hommes. 

 

Selbé et tant d'autres (1982) de Safi Faye :

Portrait documentaire d’une jeune mère dans un village où les femmes s’occupent de tout. 

 

Frida Kahlo et Tina Modotti (1983) de Laura Mulvey & Peter Wollen :

Deux portraits de femmes artistes et engagées mexicaines : la peinture Frida Kahlo et la photographe et militante communiste Tina Modotti. Les deux ont questionné le corps : le corps intime, la douleur de la fausse couche (Kahlo) et celui des autres, le visage des travailleuses (Modotti). Elles avaient à peu près le même âge quand elles sont mortes (45 ans pour Kahlo et 47 pour Modotti). 

 

Adynata (1983) et There Was an Unseen Cloud Moving (1988) de Leslie Thornton : 

Deux chefs-d’œuvre de la grande Leslie Thornton. 

Adynata interroge les représentations visuelles de l’Orient (performances, archives photographiques, les arts). Le film n’est pas sans une certaine sensualité et un certain érotisme ; There Was an Unseen Cloud Moving est un essai expérimental et féministe, évocation (à partir des carnets autobiographiques et qui se passe par l’utilisation d’archives, la réutilisation d’extraits de films) de la vie d’Isabelle Eberhardt qui est partie vivre en Algérie où elle s’est convertie à l’Islam. Le film interroge la subversion et à la liberté de ce personnage que l’on voit fumer, boire et aussi la question du colonialisme. 

 

Seven Women Seven Sins (1986) de Chantal Akerman, Maxi Cohen, Valie Export, Laurence Gavron, Bette Gordon, Ulrike Ottinger et Helke Sander :

Les sept péchés filmés par sept réalisatrices. Les deux chefs-d’œuvre absolus sont Portrait d’une paresseuse d’Akerman de Chantal Akerman où elle filme formidablement les intérieurs, l’espace intime comme à son habitude (La chambre, Jeanne Dielman 23 rue du commerce, 1080 Bruxelles) et Pride d’Ulrike Ottinger manifeste politique et Queer où elle allie défilé costumé et utilisation d’images de polices. A Perfect Pair de Valie Export est également intéressant sur les liens entre société de consommation et corps féminin sexualisé, objectivé. 

 

Living Inside & Me and Rubyfruit (1989), If Every Girl Had a Diary (1990), A Place Called Lovely (1991), It Wasn’t Love & Girl Power (1992) de Sadie Benning :

Merveille de journal cinématographique d’avant-garde. Sadie Benning par ces chefs-d’œuvre indispensables délivre un message intime et politique sur la nécessité de sortir des codes patriarcaux et de la société hétéronormative. C’est aussi l’occasion de parler de racisme, de violences systémiques. Le dernier film du programme donne à voir sa relation avec une jeune femme, leur complicité, leur dépendance à la clope, leur amour. 

 

Shulie (1997) d’Elisabeth Subrin : 

Film expérimental d’après un documentaire tourné dans les années 1960 et jamais diffusé sur une artiste qui devenait alors peu à peu une figure majeure du féminisme radical militant, avant-gardiste car ses combats pour l’amour libre, pour l’émancipation des femmes du patriarcat annonçaient déjà l’actuelle quatrième vague féministe. 

 

Résistance(s) films expérimentaux du Moyen-Orient et d'Afrique (2000-2009) :

Magnifique initiative politique et cinématographique de la part d’ubu de mettre à disposition ces films souvent remarquables. Sur la question du corps, du sexe et du politique, je conseille les chefs-d’œuvre de Zoulikha Bouabdellah, Dansons (2002) et de Danielle Arbid, The smell of sex (2008). 

 

Soldadera/Percusión Visual (2013) de Los Ingrávidos :

Dans ce film réalisé par ce brillant collectif avant-gardiste et féministe, la sensualité et la dimension solaire de l’objet côtoient le politique dans ce portrait d’un symbole au féminin de la Révolution du Mexique. 

 

IV. AVANT-GARDE ET SEXUALITE 

 

AI Love (1962) & A Dance Party in the Kingdom of Lilliput (1964) de Takahiko Iimura : 

 

Deux courts qui permettent d’aborder la riche œuvre de Iimura. Dans ces deux films, sa caméra est au plus près des corps (on notera l’utilisation du gros plan) que ce soit pendant un acte sexuel (AI Love) ou alors qu’il s’agisse de capter la nudité d’un corps masculin (A Dance Party in the Kingdom of Lilliput). On notera toute la dimension subversive de ce dernier : bagarres et altercations gratuites dans la rue, l’homme urine aussi dans la rue. Iimura considérait ce film comme le plus surréaliste de son œuvre. 

 

Christmas on Earth (1963) de Barbara Rubin :

Court-métrage par une cinéaste qui n’en avait que 17 ans : le film superpose une performance sexuelle de trois gars et d’une jeune fille avec des images pornographiques et donne à voir des scènes de sexe et hétéro et homosexuelles. 

 

Piece Mandala / End War (1966) de Paul Sharits :

Les couleurs vives font littéralement exploser le noir et blanc de la photographie d’un couple qui a une relation sexuelle. 

 

Les souffrances d'un œuf meurtri (1967) de Roland Lethem

Un chef-d’œuvre de expérimental belge halluciné, underground et fou sur le plan sonore d’abord. La subversion est visuelle par sa sexualité explicite puis par sa violence avec ces œufs (métaphores de la conception) et ces visages ensanglantés. Le film suscite les discussions, il est souvent considéré comme une critique de l’Église. 

 

Hatsukoi: Jigoku-Hen (1968) de Susumu Hani :

Grand nom de la Nouvelle Vague japonaise, Susumi Hani dans ce film dramatique halluciné filme un jeune homme qui fréquente une jeune femme avec qui il ne couche contrairement à ce que voudrait celle-ci. Le film entre fantasme et cauchemar décrit les affects, la violence sexuelle sur les enfants, le trauma d’un abus sexuel. Grave et désespéré. 

 

The Canaries (1968) de Jerome Hill

Des oiseaux en cage et des couples sur la plage. Jerome Hill superpose canaries et le couple se caressant. 

 

Un film porno (1968) de Olivier Mosset :

Le titre est subversif mais la sexualité du film est cachée, subtile. C’est davantage un film de désir, intime et de tendresse entre un couple. 

 

Eyetoon (1968) de Jerry Abrams

Ce court-métrage halluciné et psychédélique est un véritable feu d’artifices visuels et sexuels.

 

Birds, One (1968) de Franz Zwartjes, Behind Your Walls (1970) de Frans Zwartjes, Moving Stills (1972) de Paul de Nooijer & Franz Zwartjes, Audition (1973) :

L’érotisme de Zwartjes dont le DVD est épuisé sont suggérées : l’oiseau en papier comme sextoy possible (Birds One), sensuel et explicite (Behind Your Walls), provocateur et affirmé (Moving Stills) ou inquiétant et halluciné (Audition). 

 

Hedonistic Communication (1970) de Irm Sommer et Ed Sommer: 

Des corps se touchent, communiquent. Sexualité explicite (pénétration en gros plan). Une musique stridente et un texte absurde et subversif (“Ceci est un cours de téléachat tardif” et “j’ai 14 ans, je veux voir du sexe aussi”) achève de donner de l’étrangeté à la chose. 

 

Sex (1970) de David Avidan :

Essai sur le sexe qui a fait un terrible scandale en Israël et qui y a été censuré et interdit. Avidan ne recule en effet devant aucune forme de subversion : le blasphème, les blagues de mauvais goût sur la grossesse et les enfants, une sexualité explicite. 

 

Inner Man (1972) de Mako Idemitsu :

Performance avec superposition de danses : celle de Mako Idemitsu en kimono et celle d’un homme nu. 

 

Frank Film (1973) de Frank et Caroline Mouris :

Ce premier formidable film d’animation des Mouris est l’occasion pour Frank de revenir sur ses souvenirs d’enfance et d’adolescence. Allusions furtives à ses fantasmes sexuels adolescents. 

 

Butterfly Dress Pledge (1974) de Shūji Terayama :

Le subversif Terayama qu’on ne présente plus (L’Empereur Tomato Ketchup et Cache-cache pastoral) dépeint dans ce chef-d’œuvre d’avant-garde un monde d’orgies et de débauches sexuelles.

 

Homecoming (1978) & Ama-zona (1983) de Narcisa Hirsch :

Deux des merveilleux et si rares films de Narcisa Hirsch. 

Homecoming est un film d’une belle mélancolie entre passé et présent, l’œuvre étant baigné de souvenirs d’enfance. On notera l’immense sensualité du film ; Ama-zona est une évocation érotique et féministe de cette figure guerrière. 

 

Beauty Becomes the Beast (1979) de Vivienne Dick : 

Une superbe fantaisie expérimentale où Lydia Lunch donne corps à des femmes à des âges différents de leur vie. 

 

Action erotico patriotique (1979) de Michel Journiac :

Nudité masculine et féminine explicite, corps ensanglantés et phallus en sang léchés et sucés par des femmes... il y a même une dimension (critique et ironique) politique dont la transgression est d’allier les couleurs républicaines, synonyme d’ordre à l’anarchie sexuelle (Blanc : sperme ; rouge : sang). Le fantôme de Pasolini n’est pas loin. Voilà ce qui compose le formidable court-métrage en super 8 de Journiac, performance pornographique et passionnante étude du corps. Mis en ligne par la formidable équipe du Collectif Jeune Cinéma.

 

Dirty Books (1981) Anonyme :

On a des doutes sur l’identité de ce film aussi bien attribué à Fred Halsted qu’à Tom DeSimone. Le film est tout aussi bien un documentaire expérimental sur la dimension subversive de la littérature et la bande dessinée gay qu’une performance pornographique. 

 

Whoregasm (1988) de Nick Zedd : 

Dans ce film d’avant-garde sur un monde violent évident avec la référence au nazisme au début, Nick Zedd superpose scènes pornographiques avec les images d’un policier. 

 

Futility (1989) & Our Gay Brothers (1993) de Greta Snider :

Deux films de found footage.

Futility est un film à la première personne en deux temps : la narratrice raconte l’avortement qu’elle attend puis lit une lettre d’amour ; Our Gay Brothers interroge la façon dont certains homosexuels considèrent les femmes. 

 

The Dance (1992) de Jim Hubbard :

Évocation intime et sexuellement explicite de l’amour d’un couple homosexuel, les artistes Dan Martin and Michael Biello à l’ère du Sida. 

 

The Color of Love (1994) de Peggy Ahwesh :

À partir d’un vieux porno endommagé, Peggy Ahwesh constitue un trio (deux femmes, un homme) vénéneux et érotique. Puissant et violent. 

 

Tears of Ecstasy (1995) de Hiroyuki Oki :

Intéressant porno d’avant-garde de la part du grand cinéaste expérimental que l’on connaît pour ses pornos homosexuels ou essais homoérotiques. 

Ici la succession de scénettes érotiques et ou pornos et une certaine liberté narrative comme souvent dans son cinéma à l’exception de son porno gay I Like You I Like You Very Much (1994) plus classique (et aussi son moins bon film). 

 

Le démon du passage (1995) de Pierre Coulibeuf & Anges photophores (2014) de Fabrice Coppin :

Deux courts d’avant-garde sans dialogue qui questionnent les corps masculins et féminins. Dans Le démon du passage, les corps se frôlent, se cherchent, se regardent, dansent ensemble ; Fabrice Coppin lui est au plus près des corps qu’il filme le temps d’une soirée. 

 

www.webcam & Notre trou du cul est révolutionnaire (2005) de Lionel Soukaz

Deux chefs-d’œuvre de l’immense Lionel Soukaz : le premier film donné à voir les sites de rencontres sexuels Gay ainsi qu’un portrait intimiste de l’un des utilisateurs de ces sites. Notre trou du il est révolutionnaire est une magnifique évocation de la figure de Guy Hocquenghem impliquant lectures de textes et performances face caméra. Les deux films sont politiques et aborde la sexualité comme une forme de résistance et se situent dans un héritage pasolinien. 

 

Sitting (2009-2010) de Leighton Pierce :

Chef-d’œuvre du grand cinéaste expérimental. Comme à son habitude chez lui, on reconnaîtra l’important travail sonore. 

Toute la grammaire de l’absent-garde apparaît (ralentis, accélérés, flous, surimpressions) dans ce film cinétique qui met en scène une femme nue d’abord allongée qui semble être un modèle ou une muse puis que l’on retrouve assise. 

 

Light-Sleep [Félálom] (2010) de Péter Lichter :

Ce magnifique film expérimental capte des visions de nudité féminine et des bribes de scène érotiques très explicites qui constituent l’imaginaire rêvé et cauchemardesque de l’enfant qui dort. 

 

Suite du post

 

Bitch-Beauty (2011) de MM Serra : 

Le seul film partageable de sa réalisatrice car mis en ligne par Film-Makers Coop, Bitch-Beauty est un docu expé mettant en scène Anne Hanavan “qui a croisé Zoë Lund” (Light Cone). Le montage de ce film beau, trash et érotique mois qui lui est adressé la montre d’ailleurs, images issues des films de Ferrara. 

 

Unser Film (2012) de Björn Last :

“Quand la télévision a échoué, le cinéma a été oublié et les images ont inondé nos vies. Les gens n’ont plus d’autre image que le moi le plus privé”. 

 

Jungle Love (2012) de Sherad Anthony Sanchez : 

Le grand avant-gardiste philippin est de retour avec ce film choral à l’étrangeté de chaque plan et où se mêle politique et mystère, sexualité explicite. 

 

V. SEXUALITE ET AFFIRMATION DU DESIR 

 

I, a Man, The Nude Restaurant (1967) et Blue Movie (1969) d'Andy Warhol :

Trois films d’affirmation.

I a man et Blue Movie sont l’affirmation sexuelles : du point de vue masculin dans I a man dans lequel un homme couché avec huit femmes et du point de vue du couple dans Blue Movie ; The Nude Restaurant est plus une affirmation physique puisque tou.te.s les membres de ce restaurant apparaissent dévêtues. Il y a aussi dans ce très grand film une affirmation personnelle et politique de la part du jeune activiste qui se considère dans la résistance contre le fascism’s étasunien et contre la guerre du Vietnam.

 

Square Times (1967) et Sodom and Gomorrah, New York, 10036 (1976) de Rudy Burckhardt :

Deux chefs-d’œuvre d’avant-garde sur la représentation de la ville et de la sexualité. 

Dans le premier bercé par les superbes morceaux des Supremes : la rue, la nuit, les cinémas de pornos et de films érotiques, les magasins de saucisses, les couples blancs, noirs.... ; Sodom and Gomorrah capte l’industrie du sexe à New-York. 

 

Moment (1968) de Stephen Dwoskin & Men & Women & Animal (1973) de Valie Export & Nicola’s First Orgasm (2003) de Aryan Kaganof :

Trois films sur le plaisir solitaire féminin. 

Moment est peut-être le faux jumeau au féminin de Blow Job de Warhol : la masturbation féminine (à la différence de la fellation) est cachée et la sexualité est suggestive. Seul le visage de la femme avant et après l’orgasme est filmé. C’est un hymne au plaisir (à la fois sur le plan sexuel et aussi celui gustatif avec la cigarette que la jeune femme savoure) et où ce dernier ne dépend pas d’une figure masculine, il en va de même pour Nicola’s First Orgasm un film sur et avec et pour Nicola Deane ; le sublime film de Valie Export explicite le vagin qui semble même personnifié. Une femme se fait plaisir dans sa baignoire avec le jet à eau. 

 

They Called Us Misfits (1968) de Stefan Jarl et Jan Lindkvist :

Documentaire sur une jeunesse suédoise en quête d’émancipation et de liberté. Il y a une scène où le rapport sexuel d’un des protagonistes avec une jeune fille qui est filmé pendant quelques minutes, ce qui est quasiment inédit à ce moment. 

 

Lovemaking (1969) de Stan Brakhage :

Affirmation de plusieurs sexualités qui s’expriment : les relations sexuelles dans le couple aussi bien hétérosexuel qu’homosexuel, la sexualité des animaux et de jeunes enfants nus qui se livrent à des jeux dans la chambre. 

Un sommet d’avant-garde. 

 

Iris (1971) & Shapes (1972) de Maria Lassnig :

Deux chefs-d’œuvre d’avant-garde. 

Si Iris est un hymne à la nudité féminine, Shapes est une animation érotique sur les couples. 

 

Erotikus : A History of the Gay Movie (1973) de Tom deSimone & Sex Magic (1977) de Jack Deveau :

Deux œuvres révélatrices de l’âge d’or du porno gay.

Le premier est un documentaire qui vient de Tom DeSimone réalisateur de pornos psychédéliques (Confessions of a Male Groupie) et horrifiques (Sons of Satan) avec extraits de films emblématiques des révolutions visuelles et esthétiques gay avec extraits des films pionniers ; le second est un merveilleux porno gay qui est à la fois un film totalement sous le signe du fantasme et de l’halluciné et qui est aussi la célébration de la sexualité à deux, à trois. L’un des plus beaux films de son auteur.

 

X (1973), Menses (1974), Dyketactics (1974), Superdyke, Superdyke Meets Madame X (1975), Multiple Orgasm (1976) & Double Strength (1978) de Barbara Hammer : 

Les chefs-d’œuvre de la grande réalisatrice d’avant-garde Barbara Hammer. Ils donnent à voir une nouvelle relation au corps (X et Double Strength), des communautés de femmes (Menses), complices (Superdyke Meets Madame X) en luttes politiques de libération (Superdyke) et une sexualité positive qu’elle soit intime, solitaire (Multiple Orgasm) ou à plusieurs (Dyketactics). 

 

Water Ritual 1 : An Urban Rite of Purification (1979) de Barbara McCullough :

Pionnier, ce film est l’un des premiers grands films du cinéma noir-américain réalisé par une femme avec I Am Somebody (1970) de Madeline Anderson. Hymne à la beauté de la femme noire et résolument féministe.

 

El Pico (1983) d'Eloy de la Iglesia : 

Ce film qui met en opposition une jeunesse subversive, perdue et droguée à des parents incarnant l’autorité et la punition est une curiosité du cinéaste. Si le film n’échappe pas à un certain moralisme et à une certaine démonstration dès lors qu’il est du côté des pères qui veulent tous les deux sauver leur fils de la drogue, il est en revanche beaucoup plus intéressant quand il suit les déboires de ces jeunes paumés. Sur la question de la sexualité, il y a des choses intéressantes : le jeune Paco hétéro qui couche avec Mikel un homosexuel qui est amoureux de lui. Les deux finissent par avoir une belle amitié. Eloy de la Iglesia travaille un homoérotisme évident entre Paco et son meilleur ami Urko. Les deux finissent par faire un plan à trois avec une jeune prostituée également addict etc... dans ces moments qui sont les plus beaux, El Pico délivre des choses belles et précieuses sur l’amitié et célèbre une sexualité libre et fluide. 

 

Les amants terribles (1984) de Danièle Dubroux et Stavros Kaplanidis : 

Dédales amoureux et sentimentaux à Rome. C’est à nouveau une ribambelle de personnages qui se cherchent, qui se désirent, se déchirent, qui s’aiment... affecté, étrange, tendre aussi... tout ce qui fait la singularité du cinéma de Danièle Dubroux. 

 

Black and White Study (1990) de Peter Cramer :

Ce remarquable court d’avant-garde est une étude érotique et explicitement sexuelle sur les corps de deux hommes, un blanc et un noir. 

C’est une passionnante réflexion visuelle sur l’identité, une célébration de l’amour Queer et interracial par le biais de la performance artistique. 

 

Green Snake (1993) de Tsui Hark : 

Artificiel, kitsch et fou, Green Snake est un merveilleux film totalement Queer dans sa forme changeante sur le plan générique (à l’image de ses protagonistes serpents à corps de femmes) : tour à tour film d’aventures fantastiques et mélodrame féministe. 

 

Fingers and Kisses (1995) de Shu Lea Cheang :

Nom fondamental du cinéma expérimental politique, féministe et Queer, Shu Lea Cheang signe avec le court-métrage Fingers and Kisses un manifeste essentiel sur l’amour lesbien entre clip musical et documentaire érotique. 

 

A Tale of Love (1995) de Trinh T. Minh Ha et Jean-Paul Bourdier : 

C’est une curiosité et sans doute pas le chef-d’œuvre de cette immense et essentielle réalisatrice politique et féministe mais qui donne à voir un portrait de femme Vietnamienne migrante. Le film est une réflexion sur l’écriture par laquelle on peut trouver une émancipation possible, sur l’amour et le corps, la protagoniste étant aussi la modèle d’un photographe. 

 

Gendernauts (1999) de Monika Treut :

Le film est conçu comme un voyage à San Francisco, ville totalement Queer-Friendly selon ce qui ressort des divers témoignages à travers les identités de genre. Une visibilité est donnée aux transgenres, aux Genderfluid, à des agenres. On y retrouve des soutiens des luttes Queer comme Annie Sprinkle figure phare du porno féministe et bisexuel. La réalisatrice place le film sous le signe de l’utopie politique (les Queers sont des personnes qui renverseraient les codes de la société hétéronormative, qui réinventeraient leur vie et donc le monde) et de la fête (le monde des cabarets, les soirées lesbiennes et dans divers cabarets LGBTQIA+ y ont une belle place). 

 

Danseurs à la Gay Pride (2001) de Xavier Baert :

Admirable court documentaire expé cinétique sur la Pride de 2001. La force du film repose sur la façon de capter mouvement, des corps ensemble par le prisme de procédés formels propres aux cinémas d’avant-garde : les ralentis, la superposition. Un grand film d’affirmation identitaire et donc un grand film politique. 

 

Beaux films à tou.te.s !

Avec l’autorisation de Luc Vialle, que je remercie chaleureusement. (Nicole Brenez)

ARTICLE
23.12.2021
FR
In Passage, Sabzian invites film critics, authors, filmmakers and spectators to send a text or fragment on cinema that left a lasting impression.
Pour Passage, Sabzian demande à des critiques de cinéma, auteurs, cinéastes et spectateurs un texte ou un fragment qui les a marqués.
In Passage vraagt Sabzian filmcritici, auteurs, filmmakers en toeschouwers naar een tekst of een fragment dat ooit een blijvende indruk op hen achterliet.
The Prisma section is a series of short reflections on cinema. A Prisma always has the same length – exactly 2000 characters – and is accompanied by one image. It is a short-distance exercise, a miniature text in which one detail or element is refracted into the spectrum of a larger idea or observation.
La rubrique Prisma est une série de courtes réflexions sur le cinéma. Tous les Prisma ont la même longueur – exactement 2000 caractères – et sont accompagnés d'une seule image. Exercices à courte distance, les Prisma consistent en un texte miniature dans lequel un détail ou élément se détache du spectre d'une penséée ou observation plus large.
De Prisma-rubriek is een reeks korte reflecties over cinema. Een Prisma heeft altijd dezelfde lengte – precies 2000 tekens – en wordt begeleid door één beeld. Een Prisma is een oefening op de korte afstand, een miniatuurtekst waarin één detail of element in het spectrum van een grotere gedachte of observatie breekt.
Jacques Tati once said, “I want the film to start the moment you leave the cinema.” A film fixes itself in your movements and your way of looking at things. After a Chaplin film, you catch yourself doing clumsy jumps, after a Rohmer it’s always summer, and the ghost of Akerman undeniably haunts the kitchen. In this feature, a Sabzian editor takes a film outside and discovers cross-connections between cinema and life.
Jacques Tati once said, “I want the film to start the moment you leave the cinema.” A film fixes itself in your movements and your way of looking at things. After a Chaplin film, you catch yourself doing clumsy jumps, after a Rohmer it’s always summer, and the ghost of Akerman undeniably haunts the kitchen. In this feature, a Sabzian editor takes a film outside and discovers cross-connections between cinema and life.
Jacques Tati zei ooit: “Ik wil dat de film begint op het moment dat je de cinemazaal verlaat.” Een film zet zich vast in je bewegingen en je manier van kijken. Na een film van Chaplin betrap je jezelf op klungelige sprongen, na een Rohmer is het altijd zomer en de geest van Chantal Akerman waart onomstotelijk rond in de keuken. In deze rubriek neemt een Sabzian-redactielid een film mee naar buiten en ontwaart kruisverbindingen tussen cinema en leven.