La vie nouvelle

La vie nouvelle

A young American arrives in the city of Sofia, where he falls in love with a prostitute named Melania. Seymour wants to possess her, but to do so he has to betray a friend. And so begins Seymour’s “new life”.

EN

La vie nouvelle explores all the ways in which we fail to understand the world: sleep, dream, fantasy, trance, delirium, the plunging of the main character (Seymour, played by Zach Knighton) into the incomprehensible logic of the Mafia, affective vertigo, the general confusion of bodies and perceptions. In order to grasp this ordinary, repressed dimension of human experience, it is clear that we must turn to completely different logics than those of the usual discursive economies, invent other textures, forge other descriptive paths, employ instruments other than language and its normative links.

Such an exploration, however, should not be opposed either to reason or logic – that would be unreasonable and irresponsible, to neglect, forget and even foreclose what a century of Freudian analysis has taught us about the psyche, to continue to tell our little stories of action/ reaction as if oblivious to the panic and the mysteries which we live. Like the films of Epstein and Garrel (but also Tod Browning and Jean Vigo), Grandrieux’s tell no story. On the basis of a narrative schema they invent a mode of elaboration – of perlaboration, even – susceptible of acceding to the Id, that grand reservoir of drives which, in the thermally-photographed underground scene near the end of La Vie nouvelle, suddenly finds an infernal figuration worthy of El Greco or Dante.

To confront the unknowable, precisely what we don’t want to know: because cinema is based upon the linking and unlinking of images, it can risk this. Nothing is nobler than to shatter a film upon such an ambition, such belief, such confidence: the cinema can manifest everything, it can be vertiginous like a coma, pitiless like a Hobbes treatise, limpid like the spectrograph of a corpse.”

Nicole Brenez1

 

FR

« « Etes-vous prêts ? », demande l’affiche du film. La réponse est très clairement non. On n’est pas préparé, déjà parce qu’on n’est pas revenu intact du premier long-métrage de Philippe Grandrieux (Sombre), ensuite parce qu’on appréhende beaucoup comment un essai aussi abouti et unique en son genre va pouvoir être transformé. Sans doute que cette attente trop tendue aura suffi, au moment de la sortie furtive de La Vie nouvelle dans les salles françaises, à transformer ce second film en faux événement, au mieux noyé dans l’indifférence générale, au pire conspué par certains des plus fervents disciples de Grandrieux. Si ces derniers sont coupables, alors on peut clairement leur en vouloir. Les plaindre de n’avoir vu là-dedans qu’un ovni scandaleux qui tournerait soi-disant en boucle dans son schéma transgressif, et non pas le stade supérieur d’une recherche d’un cinéma purement primitif par un nouveau prophète des images. Sans parler de ceux qui, enchaînés à ce dogme tartuffe du 7ème Art en tant qu’enregistrement du réel, ont préféré pester sur la chose pour mieux se braquer, justifiant avec simplisme leur incompréhension du film par le fait que le réel – inutile d’utiliser la majuscule – ne servirait pas ici de tiers entre le spectateur et le cinéaste. Comme Sombre quatre ans auparavant, La Vie nouvelle ne laisse pas sa quête de sensation court-circuiter la possibilité d’une approche consciente et critique de l’objet-film. Au contraire, il la réactive, l’amplifie, avec des outils souvent traités par-dessus la jambe par un cercle de vidéastes arty (citons au hasard Matthew Barney et sa série autiste des Cremaster). Quant au réel lui-même, s’il semble s’incarner ici dans des détails concrets (un pays d’Europe de l’Est, un trafic d’hommes et de femmes, un hôtel fantôme où le sexe se fait monnaie d’échange…), le cinéaste fait à nouveau l’effort de le brouiller. C’est un réel mental – ou le « désert du réel » comme disait Baudrillard – que Grandrieux réussit à figurer, via un film qui remplace l’enregistrement et le reflet de son temps par leur inverse, à savoir la déformation et l’autrement. Fuir les conventions morales et les balises sociales. Nier l’utilité du consensus. Prototyper l’existence humaine. Faire naître sinon une « vie nouvelle », en tout cas une nouvelle vision. »

Guillaume Gas1

 

« À l'image, les corps sont flous, écorchés, les mouvements accélérés, opaques ou transparents. Les actes sexuels restent mécaniques. Toucher, vue, ouïe, odorat, goût: tous les sens sont exacerbés à mesure que Seymour désire Melania. Ces altérations portées à la représentation du corps tiennent en partie à la particularité de celui-ci. Dans le monde de la prostitution, le corps est marchandise. Il est permis de l’acheter, de le tondre, de le mesurer, d’y goûter, voire de le détruire. Comme la viande, il a un prix. Quand habituellement le corps a tendance à se « psychologiser » au-delà de l’instinct, Grandrieux revient au corps-matière. »

Fabien Philippe2

 

« Après le dérangeant et fulgurant Sombre, Philippe Grandrieux continue d’explorer la face obscure de l’âme humaine. Il retrouve son acteur fétiche, Marc Barbé, méconnaissable en trafiquant d’hommes, et pousse l’expérimentation formelle jusqu’à son paroxysme. La Vie nouvelle est un choc tellurique, un fracas d’images et de sons, une débauche de visages et de cris. Une expérimentation formelle qui laisse le spectateur à bout de force. Plasticien du malaise contemporain, fasciné par le conte de fées et ses variations modernes, le cinéaste livre une œuvre solaire, plus physique que cérébrale, dénuée de tout propos moral ou humaniste. Philippe Grandrieux distord l’image, travaille directement la pellicule et sature la bande-son de bruits industriels et de grondements humains. Sur l’écran, il convoque Dante, Rembrandt et Bacon pour une expérience sensorielle traumatisante. Chaos furieux, frénétique jusqu’à l’écœurement, La vie nouvelle est un film sans concession, traversé de lumineuses idées de cinéma: des plans d’une beauté inouïe qui contrastent avec la sordide intrigue minimaliste. »

Yannick Vély3

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