Prisma #1

Trafic (Jacques Tati, 1971)

Conscient de sa mort imminente, le critique de film Serge Daney – une des dernières figures clefs d’une tradition cinéphile marquée par la Seconde Guerre mondiale – lança le magazine Trafic au début des années 1990. Ce nouveau magazine avait pour but de « mettre en circulation de petits blocs d’expérience écrits qui aient comme point commun d’avoir été informés par l’existence du cinéma. Ni plus ni moins. » Fixer sur papier ces expériences et ainsi prendre au sérieux la relation entre le cinéma et le monde, constitua en quelque sorte un contre-mouvement. Après la chute du Mur de Berlin, à l’époque de la soi-disante fin de l’histoire et du pluralisme politique, on annonça également la mort du cinéma. Malgré la période sombre que traversèrent le cinéma et la cinéphilie, Daney osa poser la question suivante : « entre le spectacle et le manque d’image, y-a-t-il la place pour un « art de vivre avec les images » en exigeant simultanément qu’elles soient « humainement » compréhensibles (que l’on sache mieux ce qu’elles sont, qui les fait et comment, ce qu’elles peuvent, comment elles rétroagissent sur le monde) et qu’elles gardent au fond d’elles mêmes ce reste inhumain, sidérant, ambigu, « limite » ? » Écrire sur le cinéma permet d’en parler aussi, c’est-à-dire de se positionner par rapport au cinéma, de partager le cinéma, et donc de regarder le cinéma : nous voyons de façon plus juste les choses, quand nous sommes capables de les dire, en pouvant se les rappeler tout d’un coup. De cette façon, ces Prisma, une série de réflexions extraites du magazine Filmmagie et de la plateforme digitale Sabzian, vont à la recherche de moments remarquables dans la culture cinématographique contemporaine, en s’éloignant des idées reçues, en se pensant comme des jalons d’une histoire dans la durée de formes et de récits. Nous considérons le cinéma comme un prisme qui brise la lumière, mais qui la disperse aussi, qui fait pencher la lumière et la dirige, qui capte la lumière et la garde pendant un moment, pour enfin la libérer.

Ce Prisma a été publié comme ‘Prisma #1’ dans Filmmagie #671, janvier 2017.

Traduit par Nefertari Vanden Bulcke

PRISMA
21.03.2017
FR EN
The Prisma section is a series of short reflections on cinema. A Prisma always has the same length – exactly 2000 characters – and is accompanied by one image. It is a short-distance exercise, a miniature text in which one detail or element is refracted into the spectrum of a larger idea or observation.
La rubrique Prisma est une série de courtes réflexions sur le cinéma. Tous les Prisma ont la même longueur – exactement 2000 caractères – et sont accompagnés d'une seule image. Exercices à courte distance, les Prisma consistent en un texte miniature dans lequel un détail ou élément se détache du spectre d'une penséée ou observation plus large.
De Prisma-rubriek is een reeks korte reflecties over cinema. Een Prisma heeft altijd dezelfde lengte – precies 2000 tekens – en wordt begeleid door één beeld. Een Prisma is een oefening op de korte afstand, een miniatuurtekst waarin één detail of element in het spectrum van een grotere gedachte of observatie breekt.