La machine à écrire et autres sources de tracas

La machine à écrire et autres sources de tracas

The final instalment in the trilogy that began with Sur l’Adamant and continued with Averroès & Rosa Parks, the film continues its exploration of the Paris Centre psychiatric unit. Here, the filmmaker accompanies handy healthcare workers to the homes of patients who suddenly find themselves helpless in the face of a domestic problem, a broken appliance, etc.

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« Fin 2023, j’en ai presque terminé avec la post-production d’Averroès & Rosa Parks. Il est urgent que je monte et que je finalise ce troisième volet que les Films du Losange souhaitent sortir dans les salles en avril, dans la foulée du second. Je décide de ne garder que les trois séquences initiales, tournées chez Patrice, Muriel et Frédéric, qui sont les plus improvisées - les suivantes me semblant trop « installées » - ainsi bien sûr que la toute récente, chez Ivan et Gad. Quelques secondes de noir sépareront chaque visite de la précédente. Je veux que ce film garde un côté brut, fragile et artisanal, ne souhaite lui ajouter ni musique ni fioriture d’aucune sorte. »

Nicolas Philibert1

 

Charlotte Garson : La Machine à écrire, en sortant des lieux institutionnels, montre des lieux de vie très singuliers, de la chambre minimaliste de Muriel à l’appartement empli de dessins, livres et disques de Frédéric. En sortant de l’espace public, vous vous éloignez encore de toute injonction de représentativité de l’institution, et du même coup, du cinéma d’un Frederick Wiseman, qui vous a beaucoup nourri.

Nicolas Philibert : En voyant le studio de Muriel, 8 m2, un lit, une chaise et un placard blancs, et ses voisins qui ne lui parlent pas, on comprend qu’elle évoque « la mort blanche » avant l’arrivée des garçons de « l’orchestre », quand je la filme seul. Bien sûr, dire « Mon lecteur CD est cassé », c’est aussi un prétexte pour parler à quelqu’un quand on peine à habiter son espace, à l’investir. Wiseman m’a ouvert les yeux, et j’ai eu la chance de le rencontrer dès les années 1980 – c’est un sportif de haut niveau et un fou de travail. Mais nous ne sommes pas exactement à la même place. Je ne me filme pas, mais je dis souvent aux gens que je filme : « Faites comme si j’étais là », et parfois on s’adresse à moi, ou on m’entend répondre, alors que lui se rend presque absent. Frederick dit aussi qu’une fois qu’il a tourné, il met des étoiles à ses séquences, et qu’ensuite il va construire, alors que moi, j’improvise beaucoup, mais je construis en tournant, j’associe, j’extrapole.

Pour finir, je vous pose la question de monsieur Obadia au psychiatre qui planifie sa fin d’hospitalisation : « Quel est le moyen de ne pas revenir ? ». En tant que cinéaste, comment allez-vous vous arracher au milieu psychiatrique, peut-être l’endroit ultime de la fragilité humaine et de l’écoute ?

J’aime cette question. Elle me touche, parce que je ne me suis pas complètement remis de cette plongée. Comme, d’une certaine manière, je ne suis pas revenu de La Borde, ce qui n’a rien à voir avec une nostalgie. La psychiatrie m’a permis de rencontrer des personnes qui m’ont dérangé, délogé, dérouté, déstabilisé. Elles ne se contentent pas de réponses pirouettes, elles cherchent perpétuellement un sens à la vie. Ces personnes nous obligent.

Nicolas Philibert en conversation avec Charlotte Garson2

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